RENCONTRE AVEC MONSIEUR NOULAYMARCHÉ

Publié le par ZEITNOT

Nous sommes reçus dans une vaste salle plutôt austère, ceinte de boiseries chaleureuses et décorée par de belles toiles représentant d’une manière stylisée différentes monnaies et toutes sortes de graphiques. Notre interlocuteur, sur un corps normal, c'est-à-dire une taille moyenne régalée d’un embonpoint raisonnable, porte une énorme tête dissimulée sous une cagoule noire et or, en fait de cagoule il vaudrait mieux parler d’une draperie, et cette draperie pourrait couvrir une vingtaine de citrouilles.

 

—Bonjour Monsieur, tout d’abord merci de nous recevoir car on parle beaucoup de vous, ceux qui vous invoquent ont dans la voix une espèce d’admiration zébrée d’effroi, vous êtes pythie, vous êtes gorgone, vous êtes hydre, votre omnipotence fascine et terrorise… Mais on vous connaît mal, et c’est étrange car on sait que vous pesez très fort sur nos vies.

— Absolument, tout à fait, effectivement, bien sûr mon vilain gueux, oui nous exerçons un considérables pouvoir sur vos minables existences. Avez-vous peur ?

— Oui.

— Tant mieux, tant mieux. Que désirez-vous savoir pauvre tache ?

— Vos buts, le pourquoi et le comment.

— Nous n’avons qu’un but, gagner de l’argent, beaucoup d’argent, des tas qui dépassent votre médiocre imagination. À votre stupide pourquoi il serait préférable de substituer pour qui. Voyez-vous, il fut un temps où les choses étaient simples. L’aristocratie et la grande bourgeoisie associées au clergé, servies par la maréchaussée et l’armée, toute cette admirable élite en faisait à sa guise. Ces honorables personnes s’enrichissaient, décidaient de tout, et tenaient la population sous le joug. ô combien cette époque était belle et charmante. L’éden. Parfois des soubresauts infects agitaient la populace, les rois et les grands culbutaient cette chienlit à grands coups d’estoc, ébouillantaient, rouaient, envoyaient les comparses dans des geôles ou les exilaient et tout rentrait dans l’ordre. Hélas ! Des idées pernicieuses jaillirent comme de mauvaises herbes, force est de constater que l’on ne sut pas les anéantir à temps.

— Quelles idées ?

— Tout ce fatras putride… On s’intéressa aux philosophes antiques, on alimenta des utopies : la liberté, le droit, l’égalité, on prétendit qu’un homme en valait un autre, et puis quoi encore ? On développa le savoir, les gens de science s’attaquèrent aux saines croyances ; les gens de science, encore eux, lâchèrent un cheval fou que l’on appela le progrès et, dans une sorte d’hébétude, ceux qui n’avaient aucun besoin de ce funeste progrès s’entichèrent de lui. Et puis cette horrible lèpre, la démocratie, apparut et fit les ravages que l’on sait. Un effroyable désordre s’installa, le populo devint de plus en plus exigeant, de plus en plus rebelle, et toujours à cause de ce maudit progrès car le beau monde ne pouvait fournir pour tous ces nouveaux métiers : ingénieurs, chercheurs, techniciens, médecins, je fais courts, on enseigna, on sortit de sa crasse originelle une troupe de rustres que l’on dut payer, que l’on dut même écouter. écouter parfois. Le progrès accoucha d’un monstre, d’un vampire, le progrès social ! Horreur et putréfaction ! Bref, une classe moyenne émergea : des gloutons maléfiques. Et il fallut leur consentir bien trop de choses. Qui leur céda ? Les gouvernements, les politiques, bref cette aberrante organisation démocratique tenant son pouvoir et ses avantages du peuple, peuple ce mot me donne la nausée. Beurk !  Heureusement, comme l’a si judicieusement observé Adam Smith, ce qui meut essentiellement l’homme c’est son intérêt.

— Pas tous les hommes…

— Ceux qui ne sont pas inféodés à leur propre intérêt sont des anormaux, des tarés, des nuisibles. Je poursuis et cessez de m’interrompre vil manant. Donc, donc, donc, bien qu’issus de la plèbe certains devinrent riches et puissants à leur tour. Vous l’avez sans doute remarqué, les fraîchement convertis sont souvent les plus enthousiastes, les plus fanatiques. Mais voilà, trop de monde au banquet réduit la part des convives, et c’est insupportable. Pis, ceux d’en bas continuaient à beugler en réclamant toujours plus. Alors on mit en place, non sans difficultés, une géniale mécanique comportant trois pièces principales et admirables : la mondialisation, la financiarisation et la volatilité. Afin de réduire les coûts et d’augmenter les marges les industriels délocalisèrent et surtout se mirent à spéculer comme des fous. Sur leurs propres valeurs, sur celles des autres, sur les matières premières, sur les vivres, sur la famine, sur la guerre, sur la paix, sur les épidémies et les médicaments, sur la dette, sur les intérêts de la dette… Magnifique ! Les gouvernants et leurs affidés tolérèrent de savants montages permettant aux plus riches d’organiser l’esquive fiscale, mais durent endetter sévèrement leur pays car ils ne pouvaient pas complètement affamer leurs électeurs et les repousser dans la très modeste condition dont ils n’auraient jamais du sortir. Enfin, les réseaux informatiques permirent de dématérialiser l’argent, de le transférer à toute vitesse, de lui faire attraper de grassouillets agios ici et cinq micro secondes plus tard encore un énorme paquet ailleurs. Fini le temps où des révolutionnaires pouvaient piller les coffres ! Et nous, quel est notre rôle ? En achetant, en vendant, en pariant, en spéculant nous distribuons satisfecit et mauvais points, en fonction de nos évaluations ça monte et certains se gavent, ça descend et d’autres se repaissent, le plus rigolo c’est que les minus payent dans tous les cas. Héraclite écrivait le vrai chef ne se montre ni se dissimule, il signifie, les guignols politiques s’exposent, le commun se rabougrit et nous…Nous signifions !

 

Pour rire, le déficit de l’assurance maladie est sensiblement équivalent aux charges que les entreprises « éludent ».

 

Consolation A.VIVALDI  la stravaganza

Sur les douze concertos c’est très peu, mais il faut s’habituer aux restrictions…

http://youtu.be/w96gzCLr-2s

 

images-7--copie-1.jpg

Publié dans DERISION

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
B
<br /> <br /> Réimposons les valeurs Républicaines contre celles de l'argent roi...réveillons les consciences, fuyons l'enfermement du bonheur/consommation et reprenons notre destin collectif en main.<br /> Les enjeux sociaux, écologiques, démocratiques du XXIè siècle ne pourrons s'accommoder  de cette ploutocratie qui nous mènent à la ruine économique de  par son  égoïsme<br /> suicidaire ....<br /> <br /> <br /> Entre cons de souche...<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> Bonsoir voisin, bien agréable lecture..<br /> <br /> <br /> En fait tous nos maux n'ont-ils pas débuté lorsqu'on a commencé à battre monnaie..?<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> Au final, qui dirige quoi ? les financiers maîtrisent-ils encore le monstre qu'ils ont créé ? Lorsque les agences de notation dictent la politique des nations, il n'est plus temps de s'inquiéter<br /> mais d'agir.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> <br /> Je me pose toujours la question sur cette course à l'accumulation d'argent, mais pourquoi, quelle finalité? D'autre part, les déficits des uns font obligatoirement les bénéfices des autres, non?<br /> Cela devrait donner des idées. Enfin, qu'entends-tu par embonpoint raisonnable. Est-ce une notion évoluant avec l'âge? (cela me rassurerait).<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
X
<br /> <br /> La théorie des vases communicants est la base de l'économie, mais toujours dans un seul sens: des plus pauvres vers les plus riches. Les privilèges d'hier n'ont pas tous disparus avec monsieur<br /> Guillotin, ils n'ont été que très peu raccourcis. Rêvons donc d'un monde qui, sans l'appareil du triste sire, ferait rendre gorge aux sinistres spéculateurs et tel Robin des Bois, redistriburait<br /> les masses financières honteusement subtilisées.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre