LA BECANE...
Il reçut la convocation finale, elle valait pour une session, peu de moyens de s’y soustraire… Albert Naud et Robert Badinter ont illustré par des anecdotes édifiantes le caractère aléatoire de la récusation, il fut appelé.
Implacable et vertigineuse chronologie, débats expéditifs, plaidoiries des parties civiles l’une timide et l’autre véhémente, un réquisitoire au merlin, une défense diaphane puis les délibérations.
Neufs jurés, deux assesseurs et le président. Que se passait-il dans la tête des autres ? Tant de fictions ont théâtralisé le jury…. Là, ce fut simple et terne. Les charges ne faisaient aucun doute : meurtre d’un vigile et, au cours de la fuite, celui du complice « qui perdait les pédales ». Preuves et aveux concordaient parfaitement. Trente minutes pour l’évidence de la culpabilité. L’accusé ? Un curriculum vitae aussi consternant que sa personnalité.
On y vint…
Nerveuse et sèche, une dame parla de châtiment. Peine, rectifia le président.
Le souffreteux invoqua la protection définitive de la société, le sanguin soutint l’exemplarité des exécutions. Approbations posturales…Gêne d’un assesseur.
L’employée du fisc fût écoutée goulûment… La famille de la victime, et elle n’en voyait qu’une martela-t-elle, eu égard à son chagrin…Oui, on lui devait la « suprême » réparation !
Ce fut son tour.
A la cantonade, il s’interrogea… Allons-nous le faire ? Tuer, et enfoncer nous aussi la mère, la sœur et la fille de cet assassin dans une détresse aussi cruelle que celle des autres familles ? Allons-nous apaiser le calvaire des uns par celui des autres ? Quant à l’exemplarité des peines, nous le savons tous, au XVIIème siècle tandis qu’on suppliciait des voleurs, leurs collègues exerçaient parmi les ignobles badauds. Enfin, nous avons tous lu que trois jours après l’exécution du célèbre Chessman un violeur agissait, lui aussi, muni d’une lanterne rouge… Mais la seule question qui vaille demeure : allons-nous le faire... Tuer, et torturer la mère, la sœur et la fille de cet assassin…Douleur pour douleur, allons-nous faire ça ?
On ne le fit pas.
Par la suite, le ministère public le récusa systématiquement, intuition sans doute.
PrécisionS : cela se passait en 1979. La peine de mort fut abolie en 1981. L’irréversibilité de cette décision a été consolidée en 2007, peu avant l’élection présidentielle. Il y a des nostalgiques de la guillotine, dans un de ses numéros de compassion démagogique, notre Président ne dissimula pas ses regrets…
VAUTOUR...
Traiter des prélèvements d’organes effectués en Chine sur les gens exécutés, imposerait une approche autre que bouchère et comptable. Utiliser ce sujet afin d’affirmer son adhésion à la peine de mort relève de l’ignominie, surtout quand on évoque son appartenance à la chrétienté. http://news.catholique.org/9685-peine-de-mort-le-cardinal-poupard-rappelle-l
Le tableau est de Böcklin, il inspira le compositeur.
RACHMANINOV Ile des morts
http://www.youtube.com/watch?v=bszAvKbO3Zk
http://www.youtube.com/watch?v=_FvDAgsmpqA
En haut, la bécane éveillera chez quelques humanistes le bon souvenir de M.Chevalier qui, en vue de sa relève, fit assister son fils de 24 ans à deux exécutions. L’homme avait la réputation d’être arriviste et ambitieux. Il guillotina 42 fois.
Je me souviens de son hallucinante interview après que l’abolition l’ait privé d’exercer son art.
J’ignore si, comme ses délicats confrères, A. Deibler et F.Meyssonnier, il a lui aussi écrit un livre.
- Que de beaux moments en perspective ! Merci lamentable zeitnot.