LA REMPLAÇANTE - FIN
Tôt, vendredi, désolée d’avoir une journée de feu la remplaçante prit de ses nouvelles. Ça tombait bien car elle se sentait mieux, aussi elle proposa son aide : le temps de prendre un taxi et elles pourraient faire ensemble l’effarante tournée. Dans le coffre de la voiture elle chargea tout le nécessaire, et même un peu plus. Lorsqu’elles se retrouvèrent la jeune femme était seule, sans doute pris de court, comme parfois, les Mareuil n’avaient pas eu le temps de fournir une jouvencelle rassurante comme accompagnatrice, les opérations n’en serait que plus aisées. Trois attaché-cases, deux mallettes, quatre sacoches et cinq petits colis. L’Intercontinental, le Meurice, un bijoutier place Vendôme, des emplettes diverses, les banques et cambistes habituels puis le Pré Catelan, le Lutétia, l’Hilton Orly et, enfin, le Rochester. Pendant que d’un grand café proche du Cercle Militaire la jeune femme, respectant la consigne interdisant d’utiliser le portable, appelait l’étude pour avertir de son retour, le tour de passe-passe fut réalisé. Trois minutes. Elles se quittèrent, et, pour la première fois, s’étreignirent affectueusement.
Chez elle à dix-neuf heures trente, en contemplant les trois bagages échangés, les autres étaient des leurres, il y avait du Château Yquem dans sa tête. Pas de temps à perdre même si la supercherie ne serait découverte que lundi. A Roscoff, elle cueillit quelques souvenirs d’enfance au cours de la journée précédant son embarquement pour Cork, des comprimés lui assurèrent un sommeil vide jusqu’au débarquement. Elle s’offrit une nuit douillette au Metropole puis roula tranquillement jusqu’à Meenlaragh qu’elle atteignit lorsque le soleil mêlait du cuivre à la mer.
Je viens de relire ce récit. Depuis sa réception j’ai compulsé la presse de l’époque, contacté quelques amis ayant leurs entrées dans les milieux autorisés comme on dit, leurs avis divergent et prennent des chemins si fantaisistes qu’il vaut mieux s’en tenir aux faits que je rapporte ici.
L’explosion de l’étude tua Maître Mareuil.
On estima que les notaires avaient trempé dans d’obscures affaires de blanchiment, mené des opérations immobilières pour le compte de groupes occultes, on évoqua la mafia russe et quelques émirats.
Mademoiselle XXX, fut mise en examen et incarcérée, les trois diamants retrouvés dans la poche de sa veste suffisaient à démontrer qu’elle avait participé à un vol, vol dont on ne put jamais évaluer l’importance exacte.
Au procès, la partie civile se montra d’une mollesse qui ébahit autant le procureur que la défense, surprise feinte ou complice, car le dossier était assez désert. Les journalistes pensèrent que les onze mois de détention préventive avaient été voulus par le parquet et les services financiers dans l’espoir que la prévenue s’écroulerait et livrerait quelques clés de cette affaire qui, selon certains, faisaient cauchemarder bien des puissants. Un an, la peine fut applaudie par les chroniqueurs et un public chaleureux, la jeune femme sortit quelques jours après le verdict et disparut.
Je suis un peu las ce soir, avec l’impression d’être passé au pied du Kilimandjaro sans le voir, l’esprit occupé par la course d’un guépard se livrant au plaisir de sa foulée, se grisant de sa superbe vélocité. En parlant de félin, il est bien joli le chat installé sur un confortable canapé ombragé par une tonnelle de roses thé. Son regard est profond et mystérieux, serein aussi, comme celui des deux femmes assises près de lui.
Mille excuses pour hier, mais j'étais tellement saoul que j'ai oublié la formule "à suivre éventuellement", heureusement que c'est fini ce soir, hips !
Je remercie Astruc puisqu'il est injoignable.
Ballade http://www.youtube.com/watch?v=VGb1qMaM_xs
Reflets dans l’eau http://www.youtube.com/watch?v=K4e0yJmbcN8
Poisson d’or http://www.youtube.com/watch?v=wlVcbP1tevI