LA CONSÉCRATION - FIN

Publié le par ZEITNOT

début en LA CONSÉCRATION - UN

 

 

L’enregistrement dura trois heures et il en sortit courroucé, la Présidente du Front l’avait cruellement déçu, pas assez tranchante. Floue, elle avait été floue à propos des quatre sujets primordiaux : le rétablissement du bagne, de la peine capitale, la stérilisation de tous les déviants et l’expulsion des immigrés. Elle avait même ratiociné entre légaux et clandestins. Et puis quoi encore ? Lanternerie ! Trop de temps avait été consacré aux questions économiques, sociales et internationales, pourtant il s’était évertué à démontrer que l’unique solution c’était justement le bannissement de ceux qui n’étaient pas blancs, purement blancs, et pour faire bon poids de ces traîtres les défendant, ces maudites associations, un gang d’intellectuels dépravés, dégénérés, des pédés et des gouines certainement ! Tout au long du voyage il remâcha sa rancune, sa famille accueillit un homme dont l’humeur était pire que celle d’un crotale ayant raté sa proie. Les jours glissèrent, on le réconforta, on le dorlota. Tout dans la maison fut fait pour le détendre, on s’affairait avec un respect empreint de dévotion, on le choyait avec les gestes cérémonieux d’un enfant de chœur servant la messe d’un évêque le jour de Pâques. Concernant la diffusion, outre la parentèle, il daigna autoriser son fils à prévenir les amis de sa bourgade, il en avait quelques uns ni meilleurs ni pires que lui, et d’autres ailleurs, des pêcheurs qui durant l’attente glosaient férocement le monde qu’ils n’avaient jamais appréhendé et ne comprendraient jamais, des oligophrènes accrêtés se réclamant d’une France qui avait bercé leur sottises et leur médiocrité. Les plus ternes s’enorgueillissent toujours des mérites qui ne leur doivent rien, il suffit pour s’en convaincre d’entendre les outres à bière hurler en escortant leurs champions, on a gagné. Il se chargea d’avertir ses féaux d’internet, prévoyant déjà la mise en ligne des extraits qui le montreraient dans son grand œuvre. Il posta un long mot à une grosse loche nantaise, un parfait dégueulasse regrettant que l’on ne puisse tuer tous les habitants des citées « difficiles ».  Troublé il pensa particulièrement à une perfide et vieille harpie dont la malignité le réjouissait, et puis son visage encadré de blondasserie l’émoustillait, l’homme aurait des langueurs pour n’importe quelle rosse pour peu qu’elle soit nocive.

 

Pendant que les petits enfants dînaient sous la férule du fils préféré, un héros de la BAC, on but un vin d’honneur puis on se mit à table ; tout devrait être consommé à vingt heures quarante, cinq minutes avant l’instant fatidique où s’ouvrirait l’émission de Papounet, c’est ainsi que toute la famille l’appelle, enveloppant le scorpion d’une petite laine.  Sans assez de gravité la présentatrice expliqua les règles de face à vous, cela commença mal, il fut nommé en dernier et n’eut droit qu’à un lapidaire « retraité »  tandis que la caméra zoomait déjà vers Madame Le Pen, la walkyrie des tavernes brunes. Il y avait des coupes claires et pas qu’un peu, on privilégiait les sujets économiques, on faisait la part belle à un chef d’entreprise se targuant d’être un donneur de travail, un agriculteur geignard et un commerçant craignant de se faire piller. Le montage faisait que l’on ne se souciait guère des autres et encore moins de lui. Vers la fin il n’eut droit qu’à un gros plan alors que dans une attitude simiesque il se grattait le ventre.

 

Toute sa tribu fut scandalisée par cette monstrueuse tromperie. Bravache il affirma qu’il demanderait des comptes sans tarder et se lança dans une indigeste péroraison à propos de la liberté d’expression une fois encore bafouée.

 

Il écrivit. On lui répondit en invoquant le format qui avait obligé à des choix, il ne les en tint pas quittes et téléphona, c’est au treizième appel qu’il eut enfin une responsable. Après avoir louvoyé la présentatrice, il avait reconnu sa voix, devint de plus en plus désagréable, excédée par cet inepte olibrius, ce grotesque trublion…Et pour tout vous dire, Madame Le Pen vous a trouvé trop ignorant et trop con avec une trop sale gueule, elle a estimé que vous lui feriez perdre des voix, et la catin raccrocha.

 

Qu’arriva-t-il à notre homme ? âmes généreuses redoutez- vous qu’il ait été délaissé, voire moqué ? Que nenni, ses fidèles compatirent, et il continua comme devant à répandre son fiel. Bizarrement, Joseph et Magda, ses dobermans qu’il avait ainsi baptisés en hommage au couple Goebbels devinrent nerveux et de moins en moins disciplinés. Un soir, en rentrant d’une promenade solitaire car il ne les maîtrisait plus, les molosses aboyèrent et montrèrent les dents, il fallut les calmer, les enfermer et ce ne fut pas facile. Qui prétend que les animaux nous sont inférieurs en intelligence ?       

 

 

R.WAGNER

LE Crépuscule des dieux

marche funèbre de siegfried par W. FURTWANGLER

http://youtu.be/b1ul0_87f2c

 

De telles illusions valaient bien une belle musique…

 

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Publié dans PORTRAIT

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A
<br /> <br /> Un vrai plaisir de lecture. Il y aurait donc plus con que le Front, à sa droite. Attention, nous risquons alors la naissance d'un nouveau parti hautement démocrate. Tu me copieras les<br /> "oligophrènes accrêtés" dignes d'une rencontre dans une dictée de Pivot. Chez moi, mais je suis réducteur... j'aurais écrit crétins dodus. . Bien à toi.<br /> <br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> la description féroce d'un tavernier, croquée remarquablement, évidemment çà fait mal !<br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Le personnage est terriblement bien croqué..et j'avoue que cette "consécration" m'a bien amusée..<br /> <br /> <br /> Bonne soirée voisin et merci pour le crépuscule..<br /> <br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> C'est tellement drôle et même si je passe pour "malveillante" j'ai reconnu une personne et ses amis. Ce qui est désespérant c'est que ces personnes même si elles mentent et même si elles<br /> racontent n'importe quoi gardent leurs partisans car il se ressemblent malheureusement. Au sujet de ce méchant personnage une personne m'a même dit qu'elle le rouvait très intelligent et très<br /> cultivé, c'est ça le fanatisme je crois. Les anonymes qui insultent et donnent des leçons de courage c'est le monde à l'envers.<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> BOUM !!! Quel style et quelle férocité réjouissante dans les descriptions, j'ai adoré les deux premiers "épisodes" et la chute est désopilante.  Vous avez une imagination richissime et vos<br /> nouvelles dans des genres si variés le prouvent, en plus vous excellez dans la caricature. Je me demande comment "dégoûté" ose se montrer ici. Je comprends qu'il ait besoin de s'accrocher si j'en<br /> juge par la médiocrité de son attaque, en trois lignes il mérite un zéro pointé pour la grammaire et l'orthographe.   <br /> <br /> <br /> <br />
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